SOMMAIRE
- L’IMPACT DE LA GUERRE FROIDE ET DES ÉTATS-UNIS AU SEIN DES DICATURES EN AMÉRIQUE LATINE
- LA DICATURE AU BRÉSIL
- L’ACTE INSTITUTIONNEL N°5
- LA FIN DE LA DICTATURE
- L’HISTOIRE DE DILMA ROUSSEFF
- JAIR BOLSONARO, L’EXTRÉMISME BRÉSILIEN
- AINDA ESTOU AQUI
L’IMPACT DE LA GUERRE FROIDE ET DES ÉTATS-UNIS AU SEIN DES DICTATURES EN AMÉRIQUE LATINE
Le lien entre les dictatures d’Amérique latine et la guerre froide est direct et profond.
Après la fin de la Seconde Guerre mondiale, la rivalité entre les États-Unis et l’Union soviétique s’est amplifiée.
À partir des années 1950, le gouvernement américain a voulu étendre son influence sur son propre continent en intervenant dans les pays du Sud. Son objectif était d’affaiblir les mouvements de gauche en instaurant des dictatures militaires conservatrices.
Le tournant majeur dans l’attitude des États-Unis à l’égard des pays d’Amérique latine s’est produit avec la révolution cubaine en 1959. Cette révolution, menée par Fidel Castro et Che Guevara1, était au départ nationaliste, mais s’est rapprochée de l’Union soviétique en raison de l’hostilité des États-Unis envers le nouveau gouvernement cubain.
Par leur soutien logistique, militaire, financier et idéologique, les États-Unis ont contribué à la mise en place et au maintien de régimes autoritaires qui ont profondément marqué l’histoire de l’Amérique latine.
Ils ont ainsi favorisé l’instauration de dictatures dans plusieurs pays d’Amérique latine comme le Paraguay, l’Uruguay, l’Argentine, le Chili, le Pérou, la Bolivie, le Guatemala, etc.
La première dictature mise en place dans ce contexte a eu lieu en 1954 au Paraguay.2

Alfredo Stroessner, ancien dictateur du Paraguay (à gauche)
LA DICATURE AU BRÉSIL

La dictature militaire au Brésil a commencé en 1964 à la suite d’un coup d’État qui a renversé le président João Goulart3, dans un contexte de tensions liées à la guerre froide. Ce régime autoritaire, soutenu par l’armée et les États-Unis, s’est caractérisé par la répression des opposants politiques, la censure des médias et la suspension des libertés démocratiques.
L’ACTE INSTITUTIONNEL N°5
L’Acte institutionnel n° 54 du 13 décembre 1968 (AI-5), promulgué par le président Costa e Silva, marque un tournant majeur dans l’histoire politique du Brésil sous la dictature militaire (1964-1985). Cet acte, considéré comme le plus répressif des dix-sept actes institutionnels du régime, a eu un impact profond et durable sur la société brésilienne.


L’AI-5 a institutionnalisé la répression d’État : arrestations arbitraires, tortures, disparitions forcées et exécutions extrajudiciaires sont devenues des pratiques courantes. La suppression de l’habeas corpus a rendu toute contestation extrêmement risquée, car il n’existait plus de recours juridique pour les personnes arrêtées. La censure généralisée a étouffé la liberté d’expression, empêchant la presse, les artistes et les intellectuels de critiquer le gouvernement ou de dénoncer les violations des droits humains. Les universités et les syndicats ont également été durement touchés, leurs membres étant surveillés, arrêtés ou exilés.
L’AI-5 a permis la fermeture du Congrès et la suspension des droits politiques de milliers de citoyens, éliminant toute opposition institutionnelle au pouvoir militaire. Il s’agissait, selon les historiens, moins d’une réaction à la montée des mouvements armés d’extrême gauche que d’une volonté d’éradiquer les dernières influences de la classe politique traditionnelle et de consolider la mainmise militaire sur l’État.

La période qui suit l’AI-5 est marquée par un climat de peur, la fragmentation de la société civile et la radicalisation de certains mouvements de résistance, qui seront eux-mêmes violemment réprimés. Cette politique de « sécurité nationale » et de répression s’inspire directement de modèles et de formations promus par les États-Unis, notamment via la School of the Americas, où de nombreux officiers brésiliens ont été formés aux techniques de contre-insurrection et de lutte antisubversive.
L’Acte institutionnel n° 5 a instauré un régime de terreur d’État au Brésil. Son impact sur le peuple brésilien reste un traumatisme collectif dont la société continue de débattre aujourd’hui, dans sa quête de vérité et de justice.
LA FIN DE LA DICTATURE

La fin de la dictature militaire au Brésil s’est mise en place progressivement dans les années 1980, sous la pression croissante des mouvements sociaux, des organisations étudiantes et des guérillas marxistes qui, bien qu’incapables de provoquer une révolution socialiste, ont fortement contribué à affaiblir le régime. Le mouvement populaire Diretas Já ! (dont faisait partie l’actuel président du Brésil, Luiz Inácio Lula da Silva) a pris une ampleur considérable, symbolisant la volonté du peuple de revenir à un régime démocratique par l’élection présidentielle directe.
Cette transition s’est concrétisée en janvier 1985 avec l’élection de Tancredo Neves par le collège électoral, marquant la fin officielle de la dictature militaire instaurée en 1964.
Le 8 mai 1985,5 le Congrès national a approuvé un amendement constitutionnel mettant fin à certains vestiges de la dictature. Parmi les mesures adoptées : l’élection directe du président (en deux tours) a été approuvée par 458 voix à la Chambre et 62 au Sénat ; le droit de vote des analphabètes a été adopté avec seulement 32 voix contre à la Chambre et 2 au Sénat ; les partis communistes ne sont plus interdits ; les maires des capitales, des stations hydrominérales et des municipalités considérées comme relevant de la sécurité nationale sont à nouveau élus directement ; le district fédéral est désormais représenté au Congrès national par trois sénateurs et huit députés fédéraux ; enfin, l’obligation de loyauté envers les partis politiques a été abolie.

La Sixième République brésilienne désigne la période allant de la fin de la dictature militaire à aujourd’hui, marquée par la démocratisation politique et une relative stabilité économique.6
L’HISTOIRE DE DILMA ROUSSEFF


Dilma Rousseff, future présidente du Brésil, a été arrêtée à l’âge de 22 ans pour son engagement dans la lutte contre la dictature militaire7. Membre d’un groupe d’extrême gauche, elle a été emprisonnée pendant près de trois ans et soumise à de lourdes tortures physiques et psychologiques par les forces de répression, notamment sous le commandement du colonel Brilhante Ustra, tristement célèbre pour ses actes de torture contre les opposants politiques. Malgré la douleur, Rousseff a toujours affirmé n’avoir jamais cédé face à ses tortionnaires.

Des décennies plus tard, devenue présidente, Dilma Rousseff a joué un rôle central dans la création et la remise du rapport final de la Commission nationale de la vérité, instituée en 2011. Cette commission avait pour mission de faire la lumière sur les graves violations des droits humains commises durant la dictature (arrestations arbitraires, tortures, exécutions, disparitions forcées), en recueillant plus d’un millier de témoignages et en publiant un rapport détaillé sur les crimes perpétrés par l’État.
Lors de la présentation du rapport, en décembre 2014, Rousseff, profondément émue, a souligné l’importance de ce travail pour que :
« l’ombre de l’omission ne protège plus les fantômes d’un passé très triste et douloureux ».

La Commission de la vérité a ainsi permis de reconnaître officiellement la responsabilité de l’État dans ces crimes et de rendre hommage aux victimes, même si la loi d’amnistie de 1979 continue d’empêcher les poursuites pénales contre les tortionnaires.
JAIR BOLSONARO, L’ÉXTRÉMISME BRÉSILIEN

« C’est un héros national qui a empêché le Brésil de tomber dans ce que la gauche fait aujourd’hui.»
Cette phrase a été prononcée par Jair Bolsonaro à propos du colonel Carlos Alberto Brilhante Ustra, l’un des plus tristement célèbres tortionnaires de la dictature militaire brésilienne (1964-1985).
Il a également déclaré ceci le 17 avril 2016, lors du vote à la Chambre des députés sur l’ouverture de la procédure de destitution contre la présidente Dilma Rousseff :
« Pour la mémoire du colonel Carlos Alberto Brilhante Ustra, la terreur de Dilma Rousseff, mon vote est oui !» 8

Cette déclaration a provoqué une immense controverse au Brésil et à l’international, car Ustra était responsable de tortures et de graves violations des droits humains pendant la dictature, et Dilma Rousseff elle-même avait été l’une de ses victimes. Bolsonaro a ainsi opposé l’action de l’armée contre la gauche dans les années 1970 à la situation politique actuelle, affirmant que la dictature avait « sauvé » le Brésil du communisme ou d’un régime autoritaire de gauche.
Ce geste et ces paroles ont renforcé la polarisation politique au Brésil et ont contribué à façonner l’image de Bolsonaro comme un défenseur assumé de la dictature militaire et un adversaire farouche de la gauche brésilien.
AINDA ESTOU AQUI
Ainda Estou Aqui (en français : Je suis toujours là) est un film brésilien réalisé par Walter Salles, sorti en novembre 2024, qui a connu un immense succès critique et populaire au Brésil et à l’international. Il s’agit d’une adaptation du roman autobiographique de Marcelo Rubens Paiva, racontant l’histoire vraie de sa famille à Rio de Janeiro sous la dictature militaire des années 1970.
Le film se concentre sur Eunice Paiva, épouse de Rubens Paiva, ancien député et opposant au régime, arrêté puis disparu en 1971 après son enlèvement par la police politique. D’abord femme au foyer, Eunice se transforme en militante et avocate des droits humains, luttant sans relâche pour découvrir la vérité sur le sort de son mari et pour obtenir justice pour les familles de disparus. Le film met en lumière l’impact intime et quotidien de la dictature sur une famille, en soulignant la mémoire et la résilience face à la violence d’État.
Ainda Estou Aqui 9a reçu de nombreux prix, dont le Golden Globe de la meilleure actrice pour Fernanda Torres, ainsi que le tout premier Oscar remporté par le Brésil dans la catégorie du meilleur film international (International Feature Film).


Références
- Révolution cubaine – Fidel Castro et Che “Ernesto” Guevara ↩︎
- Dictature au Paraguay ↩︎
- Le parcours de João Goulart ↩︎
- L’AI-5 ↩︎
- Brésil : Le 8 mai 1985 ↩︎
- La sixième République brésilienne ↩︎
- La vérité mais pas la justice pour Dilma Rousseff, présidente torturée ↩︎
- Discours scandaleux de Jair Bolsonaro envers Dilma Rousseff ↩︎
- Brasil leva primeiro Oscar com “Ainda Estou Aqui”, que ajuda “a entender o presente”, diz Walter Salles ↩︎
Un travail réalisé par Carolina Apolinario et Eliane Sele Ngani.